Où donc, vers quel insoupçonnable paradis se sont envolées toutes les notes du guitariste ? © 2015 par Matanya Ophee1

Où donc, vers quel insoupçonnable paradis se sont envolées toutes les notes du guitariste ?  

© 2015 par Matanya Ophee1

 

 

Mesdames et messieurs, tout d’abord, je vous prie de m’excuser pour mon français défectueux. Il y a déjà plusieurs années que je fus invité à parler cette belle langue et sa pratique me fait horriblement défaut. Je vais commencer par une question qui a été postée récemment par Met Barran sur son blog : Où donc, vers quel insoupçonnable paradis, se sont envolées toutes les notes du guitariste ?

 

À ma première conférence consacrée à François de Fossa, il y a de cela dix ans, je vous ai présenté les circonstances qui m’avaient conduit à la découverte de François de Fossa et de sa musique. Le moment le plus fascinant de cette saga fut certainement lorsqu’on retrouva le fonds Fossa dans les Archives Départementales des Pyrénées-Orientales. Il est courant dans le domaine général de la musique, de découvrir et d’étudier les traces écrites laissées par les compositeurs : les esquisses des symphonies de Beethoven, les lettres écrites par Tchaïkovski, Bach se plaignant de ses rémunérations aux autorités, le contrat entre Paganini et Legnani en vue d’une éventuelle collaboration, une collection vraiment énorme de documents originaux et un nombre innombrable de manuscrits, tant personnels que publics.

Malheureusement, nous n’avons pas accès à ce genre de documentation lorsque nous étudions les guitaristes du début du 19e siècle. Certes, nous avons quelques lettres écrites par Giuliani ainsi que des preuves archivées, découvertes récemment, qui font état de son génie musical et de son art de mettre au monde des enfants illégitimes. Ont aussi subsisté quelques lettres de la main de Sor, quelques manuscrits de Carulli et des documents permettant d’établir les dates de naissance et de mort de ces guitaristes. Un triste dossier qui complique nos efforts pour apprendre les détails et la biographie de nos ancêtres musicaux.

 

En comparaison, le fonds Fossa est une archive unique en son genre. Il offre, en effet, une vue d’ensemble complète de l’homme et de sa vie. Il contient, en plus des copies de lettres qu’il a rédigées à des amis et à sa famille, un nombre considérable de copies de lettres qui, elles, étaient destinées à ses chefs militaires et à ses associés. S’y trouve aussi la copie d’un compte-rendu presque complet de son état de Service, qui fait état de sa carrière militaire dans l’armée française et qui contient aussi des informations pertinentes de son passage au sein de l’armée espagnole.

Y ont été aussi retracés, des documents de nature plus explicite, l’un d’entre eux révélant une relation illicite qu’il aurait entretenue avec une certaine Doña Josefa Ortiz de Dominguez dite La Corregidora, une femme qui selon ses dires, ne le séduisit pas une, mais deux fois.

Il existe aussi dans ce fonds d’archives, un grand nombre de documents relatifs à sa femme, Marguerite Sophie Vautrin et à ses deux garçons, Victor et Laurent. Si l’on ajoute les documents répertoriés dans les archives de l’armée française au Château de Vincennes, qui se rattachent à lui et à ses fils, et que l’on y ajoute ses dossiers inventoriés aux archives de l’armée espagnole, –ceux-là, à Segovia en Espagne–, on commence à réaliser l’ampleur du trésor d’informations que nous avons sous la main, une situation unique et qui n’existe tout simplement pas dans les annales de l’histoire des autres compositeurs-guitaristes du début du 19e siècle.

 

Malheureusement, dans toute cette richesse de documents, il n'existe aucune copie de la musique qu’il avait publiée, ni aucun manuscrit qu'il avait dû préparer au cours de son long engagement musical. Il est tout simplement inconcevable que de Fossa, compositeur si impliqué dans le monde de la musique et ayant publié ce qui peut être considéré comme étant la meilleure musique pour guitare de son temps, n’en ait conservé trace. Connaissant le soin qu’il apportait aux autres documents de sa vie, une question cruciale se pose : Où se trouvent les notes que nous aurait laissé de Fossa à sa mort ?

De la correspondance entretenue avec Louis Picquot, nous savons que les partitions des quintets avec guitare de Boccherini que De Fossa avait copié à Madrid en 1811 étaient louées à Picquot mais ce dernier ne les jamais rendues. Probablement, ces manuscrits furent mis en vente par l’antiquaire Berlinois Leo Liepmannssohn et vendus par la suite, en 1922, à la Bibliothèque du Congrès à Washington où ils sont encore préservés.

 

 

 

Il ne fait pas de doute qu’un compositeur aussi actif, même si sa source principale de revenus ne dépendait pas de la musique, aurait conservé et préservé tous ses manuscrits, transcriptions et arrangements en les archivant avec la même diligence dont il faisait toujours preuve pour la conservation de ses autres documents personnels.

 

La Déclaration des Mutations de Décès, rédigée le six novembre 1849, cinq mois après sa mort, donne une description détaillée de la valeur de ses biens. Outre les détails de divers documents financiers, les premières entrées font état de ses biens matériels : 730 francs, note la première se rapportant à son mobilier, sans détailler ce qui y est inclus.

                                                                       

Fait intéressant, un inventaire complet mené et certifié par M. L’Avocat, notaire public, le 1er décembre 1849, stipule que dans les biens se trouvent quatre guitares et une harpolyre, d’une valeur établie à 17 francs.

     

l est aussi mentionné dans le document que la succession contenait une précieuse collection de manuscrits que la veuve, Marguerite Sophie Vautrin, avait hérité de son père et que, pour cette raison, la valeur de ceux-ci n’avait pas été incluse dans l’héritage de son époux.

         

Il nous est difficile aujourd’hui d’évaluer ce qu’auraient pu être ces manuscrits. Je suppose que la déclaration stipulant qu’ils provenaient de la part d’héritage du père n’était simplement qu’une façon d’éviter que cette collection de manuscrits ne fasse partie de la succession, parce qu’elle avait déjà été donnée par le compositeur de son vivant à son fils aîné, Victor de Fossa. Au moment de la mort de son père, Victor de Fossa était toujours en service dans le 1er régiment d’infanterie de marine en garnison à la Guadeloupe. Peu de temps après son retour de la Guadeloupe et vivant dans la maison de sa mère, 112, rue de Grenelle à Saint-Germain-des-Prés, il rédigeait, le 8 février 1854, ses dernières volontés et son propre testament.

                                       

 

Ce testament est divisé en quatre parties. L’article 1 traite d’un malheureux conflit que Victor aurait eu avec sa sœur Cécile, l’accusant de « séparation violente et volontaire de sa famille ». Peut-être fait-il référence au fait qu’elle soit devenue nonne et déclare que d’aucune façon, elle ne pourrait « prétendre en rien à ce qui pourrait lui revenir de ma succession ».

 

Dans l’article 2, il lègue la totalité de ses biens futurs à son frère Laurent de Fossa ainsi qu’à ses héritiers légitimes, « à l’exclusion formelle de ma sœur ». L’article 3 envisage ce qu’il faudrait faire dans le cas où il mourrait avant sa mère.

L’article 4 est finalement celui où nous trouvons des informations au sujet de certains manuscrits. Je vous le lis en entier :

« Article 4. (Particulier) Héritier, d’après la volonté de mon digne père, de manuscrits précieux, fruit du travail et des peines de toute la vie de mon aïeul, je déclare formellement ici que cette partie de ma succession ne pourrait revenir à mes enfants, si j'en ai, seulement dans le cas où j'aurais un garçon : sinon, ces manuscrits retourneront en toute propriété à mon frère Laurent de Fossa, ou à l'un de ses héritiers directs mâles. En cas de décès sans que les conditions mentionnées ci-dessus pussent être remplies, je donne et lègue en toute propriété lesdits manuscrits à la Bibliothèque impériale, à la seule condition, si elle accepte ce legs, de ne s'en dessaisir, à aucun prix, en faveur du Roussillon et particulièrement de la ville de Perpignan. »

 

De toute évidence cet article ne parle pas des manuscrits de musique de son père François de Fossa le compositeur, mais bien de ceux de son grand-père, François de Fossa, le juriste. Il est très peu probable, ayant émigré en Espagne, quelques années après la mort de son père en 1789, à l’âge de dix-sept ans, que de Fossa ait eu en sa possession les manuscrits de son père. Il est toutefois possible qu’il ait pu y avoir accès à son retour en France vingt ans plus tard. Cependant, je suis d’avis que la mention du grand-père, lequel n’a vraisemblablement jamais été connu par Victor de Fossa, ait été fondée soit sur des informations erronées qu’il avait reçues de son père, ou, qu’il s’agissait de masquer la nature de ces manuscrits pour des raisons juridiques quelconques, de la même manière que celle employée par sa mère.

 

D’autre part, l’étrange contrainte qu'il a imposée, à savoir que ces manuscrits ne devraient en aucun cas aller à la ville de Perpignan, suggère qu'ils étaient en effet des manuscrits créés par François de Fossa, le juriste et directeur du département de droit de l'université de Perpignan. Une enquête sur la provenance de ces manuscrits, appartenant maintenant au fonds Fossa, en particulier en établissant précisément s’ils sont arrivés là en même temps et de la même origine que tous les documents concernant François de Fossa le soldat/compositeur, déterminerait si Victor de Fossa a eu en effet en sa possession les manuscrits juridiques appartenant à son grand-père.

 

Victor de Fossa était mort le 11 Mars 1854, un mois après la rédaction de son testament. Il est clair que son jeune frère Laurent est devenu l’exécuteur officiel de l’héritage de son père et que c’est grâce à lui que cette magnifique collection de documents a survécu. Mais je dois demander à nouveau : Où donc, vers quel insoupçonnable paradis se sont envolées toutes les notes du guitariste ?

Le dossier Laurent de Fossa dans les archives de l’armée française du Château de Vincennes nous éclaire considérablement sur la nature du jeune homme. Une année après la mort de son père, à l’âge de 18 ans, il s’enrôle à l’école spéciale militaire. S’ensuivra une illustre carrière militaire durant laquelle il occupa divers postes, principalement celui d’officier d’état-major. En 1859, il participe à la bataille de Solférino en Italie, où il est blessé. Il reçoit plus tard la décoration de Chevalier de la Légion d’honneur.

 

Un an plus tard, il se mariait à Paris avec Anna Claire Rosalie Santerre de Bôves, la fille d’Armand Santerre de Bôves, le premier directeur du système de chemin de fer français. Ce mariage fut apparemment heureux. Peu de temps après, il portait le noble titre de Comte, un titre de noblesse que son père semble n’avoir jamais pris, même si, du fait de sa noble descendance, il y avait droit.

Ce présumé titre permit à sa femme d’être surnommée La Comtesse de Fossa, un titre qu’elle a porté toute sa vie et en vertu duquel elle a été enterrée dans le caveau de famille de son père 1.

 

La carrière militaire de Laurent ne tarda cependant pas à péricliter. Pour des raisons qui lui échappent, on le força à quitter son poste à Perpignan et on lui en assigna un à Bastia, en Corse. Là, il s’engagea avec un marchand de vin dans des affaires douteuses de contrebande de whisky en provenance de Marseille. Il eut, de plus, des altercations physiques et des démêlés légaux avec le consul d’Angleterre à Bastia, et par la suite, on l’accusa d’organiser des tirages illégaux de loterie avec des sociétés de loterie allemandes. Il fut réprimandé à maintes reprises par le tribunal militaire et plus tard en 1868, il fut contraint de démissionner de l’armée. Un an après, en août 1869, il fut condamné à 13 mois de prison pour un crime d’abus de confiance. En septembre de cette même année, il se déclara en faillite. Par conséquent, les autorités militaires lui retirèrent son droit d’adhésion à la Légion d’honneur et lui interdirent de porter quelque décoration que ce soit, française ou étrangère.

1 C’est Maître Roland d’Ornano qui m’a donné en 1987 l'endroit de ce cimetière. Évidemment, j’étais là pour prendre cette photo. Mais je ne me souviens pas aujourd'hui le nom du cimetière. Tout ce dont je me souviens est qu’il était à environ 100 kilomètres à l’ouest de Paris.

 

 

Le 12 mai 1880, il arriva à New-York et devint le trésorier de la « Mutual Stock Operating Company » et de la « Guarantee and Income Company », deux entreprises sur lesquelles planaient des allégations d’escroqueries.1

Il est arrêté et inculpé avec le président de ces deux sociétés, un certain Michel P. Caffe, et Charles M. Wyant, son secrétaire, pour avoir obtenu de l’argent par l’intermédiaire de déclarations frauduleuses. Un rapport détaillé relatant ces faits se trouve dans le New-York Times du 23 décembre 1880.

 

Cet article contient des informations selon lesquelles des détectives New-yorkais avaient pu établir que :

 

« De Fossa était issu d’une famille française noble. Il avait fait face à des accusations de fraudes et avait fui. Durant son absence, il avait été reconnu coupable et avait été condamné à une peine de 20 ans d’emprisonnement et de travaux forcés. Sa famille, subséquemment, avait obtenu une remise de peine en payant toutes les dettes et tous les dommages résultant de ses crimes. Entre-temps, de Fossa était allé en Belgique et y avait ouvert une salle de jeux, mais s’était vite vu contraint de s’enfuir aux États-Unis. L’été d’avant, il était retourné en France et s’était retrouvé dans une situation qui lui avait causé de sérieux ennuis, une situation pour laquelle il lui fallut débourser 20 000 FR pour se tirer d’affaire. »

 

Que ces allégations soient vraies ou fausses, il est clair que la vie de Laurent de Fossa, après qu’il eut quitté le service militaire, fut empreinte de bouleversements et de perturbations.

Quelques années après son arrestation à New York, le 30 décembre 1888, son épouse, la Comtesse de Fossa, avec la participation de son père M. Santerre de Bôves, a annoncé la présentation d’un spectacle sous le titre « Ombres Françaises ». L’annonce, dessinée par son fils de 27 ans François, qui représente en particulier la figure d’un homme militaire cachant son visage sur une table d’écriture, peut être interprétée de plusieurs façons différentes. Cela nécessiterait des recherches qui dépassent mes moyens limités.

 

Il est tout à fait raisonnable de supposer qu'à cette époque, Laurent de Fossa n’avait plus aucun contrôle direct sur la collection de documents que lui avait léguée son frère, laquelle se trouve maintenant dans les archives départementales. Mais, encore une fois, la question se pose : Où donc, vers quel insoupçonnable paradis se sont envolées toutes les notes du guitariste ?

Bien que nous ne puissions établir avec certitude cet état de choses, il semblerait que Laurent de Fossa ait vendu quelques manuscrits de musique de son père aux États-Unis.

 

Au mois d’août de l’année 1926, la guitariste américaine et collectionneuse de musique pour de musique pour guitare Vahdah Olcott-Bickford a écrit une lettre qui a été publiée dans le magazine allemand Der Gitarrefreund1 et qui décrit ce que contenait sa collection de musique.

1 Je suis redevable à Andreas Stevens pour une copie de cette lettre.

Entre autres choses, elle dit :

« J’ai aussi en ma possession les manuscrits de plusieurs autres quatuors par de Fossa. Ils m’avaient été donnés en cadeau par un célèbre flûtiste, alors que je vivais encore à New-York. »

 

 

 

Ces manuscrits sont les partitions autographes des trois trios de l’opus 18 et les trois quatuors de l’opus 19.

                                                                       

 

Ils appartiennent maintenant à la collection de Vahdah Olcott-Bickford et sont conservés dans la bibliothèque Oviatt à l’université d’État de la Californie de Northridge. Le célèbre flûtiste qui lui en a fait don s’appelait Dayton Clarence Miller, un physicien américain, astronome, acousticien et musicien amateur de grand talent. Nous ne savons pas comment il a obtenu ces manuscrits. Le chemin habituel que prennent de telles antiquités pour changer de mains se fait souvent par les antiquaires spécialisés. Autant que je sache, ces manuscrits n’ont jamais été mis en vente par aucun des antiquaires de renom connu en Europe ou aux États-Unis, ce qui me laisse croire que M. Miller a dû les obtenir d'une personne privée inconnue dans son pays, une personne qui a connu Laurent de Fossa et qui avait des relations financières avec lui. D'une façon ou d'une autre, il pourrait avoir obtenu ces manuscrits en échange de biens ou de services.

Ceci, bien sûr, est une spéculation de ma part pour laquelle je n'ai aucune preuve. Cependant, considérant la présence de Laurent de Fossa aux États-Unis à la fin du 19e siècle et l’apparition de ces manuscrits dans les mains d’un citoyen américain quelques années plus tard, je pense que Laurent, tout en préservant diligemment la collection de documents de son père, n’a peut-être pas voué la même vénération aux manuscrits de musique de la collection et ne voyait rien de mal à s’en servir pour faire fructifier ses gains, selon ses besoins. Par chance, grâce à un concours de circonstances heureux, les manuscrits de l’opus 18 et 19 ont survécu et sont maintenant accessibles à tous.

 

Lorsque je l’ai rencontrée en 1980, Madame Odette de Fossa d’Ornano m’a dit en passant, au cours de notre entretien, que son père avait fait de regrettables transactions avec certains documents avec un certain revendeur dont elle ne se souvenait plus du nom.

 

Son père, qui s’appelait lui aussi François de Fossa, était né à Paris en 1861. Il était le fils de Laurent de Fossa et d’Anna Santerre de Bôves. Il est important de noter que, pendant que Laurent s’enlisait dans des affaires scabreuses qui l’amenaient à se déplacer loin de la maison et ce, pour de longues périodes, son fils François occupait déjà un poste d’officier dans le 17e régiment d’artillerie. Il s’était de plus taillé une réputation d’écrivain prolifique pour tout ce qui se rattachait au militaire.

 

 

                                                   

 

 

Ses deux livres prodigieux sur l’histoire du Château de Vincennes publiés en 1908, sont des chefs-d’œuvre d’analyse de l’histoire, se concentrant principalement sur les aspects architecturaux de celui-ci. L’architecture a certainement dû être l’une de ses grandes passions, car la majorité de ses aquarelles encore disponibles aujourd’hui, représentent des bâtiments importants.

 

Il prit sa retraite du service militaire en 1924 alors qu’il occupait le rang de Lieutenant-Colonel. Il est fort probable que c’est lui qui possédait la collection de documents et de manuscrits de son grand-père.

                                                     

Cette carte, qui représente les allers-retours de notre compositeur au Mexique, s’appuie indubitablement sur des informations glanées dans des lettres que de Fossa écrivit à sa sœur et dans ses documents militaires. Selon toute probabilité, cette carte a été tracée par quelqu’un qui avait un talent certain pour le dessin, c’est-à-dire, François, le petit-fils du compositeur. En d’autres termes, non seulement il avait la mainmise sur la collection, mais il s’était intimement familiarisé avec son contenu.

 

Le 2 décembre 1921, bien avant que François ne prenne sa retraite du service militaire, Leo Liepmannssohn, fameux antiquaire de la ville de Berlin, offrait ce catalogue à la vente.

                                         

 

Voici ce qu’il dit :

 

2) Édition de la méthode d’Aguado avec changements proposés de la main du Major Fossa de Toulon qui est, lui aussi, un guitariste virtuose. […] La correspondance comprend 15 lettres écrites en espagnol et de la main d’Aguado (toutes signées par lui) et les brouillons des 11 réponses de de Fossa.

Le fait que soient incluses dans ce lot des copies des lettres écrites par de Fossa à Aguado, indique clairement qu’il provenait de la collection de documents qui, à ce moment de l’histoire, appartenait à François de Fossa, le petit-fils du compositeur. La collection avait été vendue en janvier 1922 à Erwin Schwartz-Reiflingen qui en avait promptement fait l’annonce dans son propre magazine de guitare intitulé Die Gitarre.

La maison de Schwartz-Reiflingen fut complètement détruite par des bombardements alliés durant la deuxième guerre mondiale et la collection est probablement perdue.

Peut-être s’agit-il là de la malencontreuse transaction, ou de l’une d’entre elles, dont parlait Madame de Fossa d’Ornano lors de notre rencontre en 1980.

 

Tout ce qu’il nous reste à faire à présent, est d’essayer de découvrir où se trouve le reste des manuscrits de musique que de Fossa avait en sa possession au moment de sa mort. Permettez- moi de vous suggérer une voie possible vers ce paradis insoupçonnable. François de Fossa, le petit fils de notre compositeur, est mort en 1936.

 

Il est enterré dans le même caveau de famille que la famille de Santerres de Boves, avec sa mère. Nous n’avons aucun moyen, et ce n’est absolument pas notre affaire, de savoir pourquoi il est enterré dans ce caveau, et non dans celui de la famille de Fossa au cimetière du Montparnasse à Paris, où est enterré son père Laurent. Toutefois, cette situation suggère que dans les dernières années de sa vie, il avait un fort attachement à la famille de sa mère, en particulier lorsque ses parents du côté paternel n’étaient plus en vie.

 

 

Maintenant, et cela peut vous paraître une idée saugrenue… Mais je ne serais pas surpris que si vous trouviez des descendants de la famille de Santerre de Boves, vous pourriez aussi trouver les manuscrits de la musique de François de Fossa.

 

En conclusion, permettez-moi de décrire ce que nous savons à propos de la musique de F.de Fossa. Nous n’avons vraiment aucune idée de sa prolixité de compositeur. Il peut avoir composé beaucoup plus de musique que ce qui nous est parvenu. Mais nous savons que qu’il a publié 21 opus de musique. Nous avons la plupart de ces publications, mais il nous manque encore les numéros d'opus 2, 3, 4, 7 et 20. Nous connaissons aussi plusieurs œuvres de lui sans numéros d’opus, mais nous ne savons pas si nous en possédons l’intégralité. Voici un exemple séduisant :

                                                       

Cet exemple vient de la deuxième édition espagnole de la Escuela d’Aguado, publié à Paris en 1826. Comme je le disais dans un autre contexte, il est possible de montrer que toute la partie théorique dans cet ouvrage a été écrite par François de Fossa. Là, il est question de la 

troisième variation d’un deuxième duo pour guitares par de Fossa. En d'autres termes, non un arrangement que quelqu'un aurait pu faire, mais une composition originale. On nous dit aussi qu'il y avait un premier duo et peut-être nous pouvons imaginer qu'il y en avait aussi un troisième. À mon âge, je ne suis pas capable de prendre une part active à la chasse de cette musique.

Donc, tout ce que je peux faire maintenant est souhaiter que vous, les jeunes chercheurs, trouverez cette musique et ainsi, vous pourrez enrichir le patrimoine de ce fils prodigieux de Perpignan.

 

Merci de votre attention.

 

 

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