Rue Fontaine Na Pincarda
À plusieurs reprises, François de Fossa a, en écrivant à sa sœur Thérèse restée à Perpignan — en particulier en 1813 depuis Bayonne — libellé l’adresse ainsi :
« Madame Campagne, née Fossa, vis à vis la fontaine la Pincarde à Perpignan ».
C’était le temps où les numéros n’existaient pas encore !
Cette jolie fontaine publique du Moyen ge, la plus ancienne de Perpignan, est encore aujourd’hui alimentée par une citerne encastrée dans le mur, elle-même reliée à un réseau souterrain depuis une source située près de la porte de Canet (aujourd’hui place Cassanyes).
Elle doit son nom à une famille qui vivait dans la maison à laquelle elle est adossée : les Pincard, des teinturiers et des marchands dont un marchand d’huile à l’époque de François de Fossa. Depuis 1540, sur ordre des consuls, il était interdit de laver son linge dans la fontaine !
À 2,50 m. du sol on voit une plaque de marbre blanc, gravée d’une croix fichée de l’ordre des Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem. L’encadrement porte une inscription :
« Font del hostal de Sant Johan
d. XXI de oct MCCCCXXXI »
… Ce qui confirme la création de la fontaine en 1431 par les Hospitaliers, à l’origine de la fondation en 1116, près de la cathédrale, d’un hôpital détruit au début du XXe siècle.
Si la maison de Fossa, sise en face de la fontaine Na Pincarda, coula des jours paisibles, d’autres, situées à peine un peu plus loin dans la même courte rue, connurent des tragédies. C’est ainsi qu’en décembre 1661, un assassinat fut commis sur la personne de Don Emmanuel de Sant-Dionis, un homme réputé violent. Il avait eu des relations coupables avec sa jeune et jolie voisine, Thérèse de Béarn, et l’aurait souffletée par jalousie en découvrant qu’elle avait aussi une aventure galante avec Don Ramon de Monfar. C’est ce dernier qui, au cours d’une altercation, tua Sant-Dionis. Il réussit à s’enfuir jusqu’en Espagne, son pays. On arrêta la jeune femme, accusée de complicité. Soumise à la question, la malheureuse ne voulut rien reconnaître ni dénoncer qui que ce fût. Elle espéra jusqu’au bout être acquittée mais fut décapitée place de la Loge, en 1662. Elle avait vingt ans.
Nicole YRLE