François Fossa, le Roussillon et les élites roussillonnaises à la fin du XVIIIe siècle (une esquisse)

La carrière du juriste François Fossa (1726-1789) est exceptionnelle.

Son intérêt prend tout son relief lorsqu’on la replace dans l’histoire du Roussillon, au sein de la séquence originale qui va du traité des Pyrénées (1659) à la veille de la Révolution (1789).

Préalablement une mise en perspective est nécessaire. Le Roussillon était en effet profondément différent de ce qu’il est aujourd’hui.

Le Roussillon entre deux couronnes

Un faible poids démographique

En 1789 la province du Roussillon comptait environ 100 000 habitants, Perpignan 13 000.

Ces chiffres sont à comparer avec la situation de la province en 1659, lors du traité des Pyrénées, et avec aujourd’hui.

Un recensement donne, pour 1659 : 58 000 habitants, 3 850 pour Perpignan.

Actuellement le département des Pyrénées-Orientales compte environ 470 000 habitants et Perpignan 120 000.

Ces chiffres peuvent être considérés comme approchés. Ils ne s’éloignent cependant guère de la réalité, donnent des proportions éclairantes : en 1659 la province du Roussillon comptait environ sept fois moins d’habitants qu’aujourd’hui (il faut défalquer au chiffre actuel la population des Fenouillèdes, terres languedociennes intégrées dans le département des Pyrénées-Orientales créé en 1790) ; en 1789, 4,5 fois moins. Le département des Pyrénées-Orientales est en effet un de ceux, en dehors de la région parisienne, dont la population a le plus augmenté au cours de la période contemporaine. Augmentation qui s’est accompagnée d’une profonde transformation de sa répartition : l’intérieur était, relativement, plus peuplé qu’aujourd’hui, la zone côtière au contraire quasiment vide d’habitants. Ainsi, en 1806, il n’y avait entre Argelès et Leucate que 700 habitants (dont 141 à Canet).

La Catalogne, dans son ensemble, au milieu du XVIIe siècle, dépassait de peu 500 000 habitants, et Barcelone en comptait environ 50 000.

Cet étiage démographique du milieu du XVIIe siècle, imputable à une situation ancienne, était le résultat d’une addition de facteurs :

La crise profonde qui a sévi en Catalogne au XIVe puis au XVe siècle.

La Catalogne est devenue une terre d’affrontement depuis la fin du XVe siècle et surtout depuis que la couronne d’Espagne est revenue aux Habsbourg : un siècle et demi de confrontation avec la couronne française dont le Roussillon a été un des théâtres principaux en raison de sa situation et une de ses principales victimes (On est à un moment de l’histoire d’émergence des États, où les affrontements se concluent par des « prises de guerres », lesquelles sont des territoires, … ceci durera jusqu’au milieu du XXe siècle).

Sans compter les problèmes internes (rivalité entre Barcelone et Perpignan, bandolérisme).

De la guerre à la paix

Ce rappel en exergue était nécessaire. Il faut faire un effort, en effet, pour se représenter la situation du Roussillon et du Principat au milieu du XVIIe siècle.

Après le traité des Pyrénées, le poids de la guerre ne disparaît pas, jusqu’à la fin de la guerre de Succession d’Espagne (1701-1714), soit durant plus d’un demi-siècle supplémentaire. Pour deux raisons : la politique de fortification et, davantage, la présence de troupes, très nombreuses temporairement, même si, après 1659, le Roussillon n’a pas connu sur son sol d’opérations militaires, le Principat ayant au contraire été beaucoup plus affecté par celles-ci.

Interfère aussi (même si ceci a été peu visible) l’incertitude du sort du Roussillon : des tractations ont eu lieu en effet en vue d’un échange avec des territoires situés au nord du royaume (1672-1673).

Cette durée de la guerre, le sentiment de subir les rivalités des grandes puissances, les divisions de la société catalane à la suite de la « révolution de 1640 » également, expliquent le sentiment de lassitude à l’égard de la guerre, très répandu en 1659.

Gilbert LARGUIER
Professeur émérite d’histoire moderne
Université de Perpignan Via Domitia

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